Une illustration de La tyrannie de l’absence de structures

Soumis par Camille le 23/11/2012

Ce texte traite des structures formelles et inclusives des groupes d’habitat partagé (et autres coopératives d’habitation) qui permettent d’éviter une prise de contrôle non-dite du groupe quand celui-ci refuse leadership et hiérarchie, à propos du texte de Freeman qui parle de la réalité des groupes féministes aux USA.
 

DES STRUCTURES POUR UNE GOUVERNANCE INCLUSIVE

Dès qu’il y a groupe, il y a pouvoir. Se doter d’une structure de gouvernance inclusive permet de construire le pouvoir et d’y garantir à chacun un accès égal. On n’abolit pas le pouvoir en refusant de s’en occuper. On ne fait que renoncer à le contrôler et à bénéficier de ses avantages. Dans le cas d’un habitat partagé, il s’agit tout de même du pouvoir de contrôler sa vie quotidienne, son mode de vie et la façon de dépenser son argent !
 
Dans nombre de groupes de co-habitat, le mode de prise de décision au consensus se substitue à une structure de gouvernance. C’est le processus du consensus lui-même qui devient la structure. Le facilitateur devient le magicien qui fait que ça marche. On ignore les autres responsabilités et tâches de gouvernance parce que la seule chose qui compte, c’est le consensus. Il ne reste aux individus que le seul droit de dire Non. L’absence de structure effective pour dire Oui crée la puissance du « veto » et entraîne les blocages. Plutôt que de se focaliser sur les objectifs de la communauté et les moyens de les atteindre, le processus de gouvernance se réduit au seul débat autour de la base acceptable au veto.
 
Le consensus est un mode de prise de décision ; ce n’est pas une structure de leadership. Sans autre complément de dispositif, le consensus ni n’utilise le pouvoir ni ne le construit. Plus les communautés grandissent sans une vraie structure de gouvernance, plus elles commencent à éviter les prises de décisions, en les déléguant à leurs élites. Du coup, elles en deviennent moins inclusives et y perdent même en démocratie.

 

UNE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE

Jo FREEMAN (USA) met en évidence sept principes comme étant des éléments essentiels à la structuration de groupes à la fois démocratiques et efficaces :
 
1- Déléguer une autorité spécifique à des individus spécifiques pour des tâches spécifiques par des processus démocratiques.
2- Exiger de tous ceux à qui une autorité aura été déléguée qu’ils-elles rendent compte à ceux qui les ont choisi-e-s.
3- Répartir l’autorité à un nombre de personnes aussi grand que raisonnablement possible.
4- Organiser une rotation des tâches entre les personnes – pas nécessairement entre tout le monde, mais en tous cas entre plus qu’un petit groupe de copains-copines.
5- Allouer les tâches selon des critères rationnels.
6- Diffuser l’information à tout le monde aussi souvent que possible. L’information, c’est du pouvoir. L’accès à l’information augmente le pouvoir de chacun.
7- Assurer un accès égal aux ressources du groupe.
 
 

UNE éGALITé STRUCTURéE

A la fin des années 60-début des années 70, Gerard Endenburg prenait la direction d’une entreprise d’électro-mécanique aux Pays-Bas. Il a dû affronter des cadres qui fonctionnaient de façon autocratique, en ignorant à la fois les soucis et l’intelligence des travailleurs. Travailleurs qui résistaient et se comportaient comme s’ils étaient en conflit avec les buts de la société, au lieu de les soutenir.
 
A cette même époque, nombre de militants tentaient d’affronter les structures de gouvernance autocratiques de façon non-structurée, refusant les notions de chef et de hiérarchie. Endenburg n’a jamais choisi cette voie-là. Les projets complexes d’ingénierie électro-mécanique qu’il avait à conduire nécessitaient un haut degré d’organisation. Mais comme il était Quaker, il avait fait l’expérience de l’engagement personnel et de l’harmonie qui régnaient dans une communauté consensuelle tant dans son église qu’à l’école.
 
Endenburg a commencé par étudier et expérimenter. De par sa formation d’ingénieur il connaissait la cybernétique, la science de la communication et du contrôle, qui analysait le pouvoir. Il avait appris à créer des systèmes puissants, et c’était là son objectif. Il avait compris que le pouvoir doit circuler et être distribué de façon égalitaire dans un système, de manière à en préserver le fonctionnement optimum. Et c’est de cette manière qu’il a finalement développé la gouvernance dynamique nommée sociocratie.
 
Les principes qu’il a développés sont aujourd’hui appliqués dans le monde entier et ressemblent de manière frappante à ceux que Freeman définit comme nécessaires à la survie du Mouvement des femmes, tout en étant efficaces et démocratiques. Il existe peut-être d’autres structures qui respectent aussi ces critères, mais en tous cas la sociocratie les respecte tous.
 
1) Les tâches sont assignées par les équipes après discussion ouverte des profils de poste et des compétences des personnes nominées pour les occuper.
2) L’équipe a pleine autorité pour retirer une tâche à une personne au cas où cette dernière ne correspondrait pas aux exigences du poste ou si la tâche elle-même devait changer.
3) Tous les membres de l’équipe ont à développer leurs compétences de leadership et prendre des responsabilités équivalentes pour assurer le succès de l’ensemble.
4) L’équipe contrôle l’allocation des tâches et peut en assurer la rotation si elle estime que l’équipe s’en trouvera renforcée.
 
5) Les profils de poste et les méthodes de mesure de succès dans l’accomplissement de la tâche sont rédigés dans un cahier de bord qui est à la disposition de tous les membres de l’équipe.
6) La transparence est essentielle. Tous les compte-rendu de l’organisation sont accessibles à tous. Comme tous les membres sont équivalents et responsables du succès de l’équipe, il est indispensable que chacun ait accès à toute l’information de façon à prendre des décisions responsables en toute connaissance de cause.
7) L’équipe assure l’allocation de toutes les ressources avec le consentement de tous ses membres.
Je suis convaincue que la sociocratie ou gouvernance dynamique, à savoir l’organisation sociocratique circulaire est la meilleure structure de prise de décision pour une coopérative d’habitation. Toutefois n’importe quel autre système capable de mettre en place les principes d’un fonctionnement démocratique pourrait convenir pour donner naissance à une communauté solide, de toutes façons avec bien moins de houles qu’en cherchant à s’en passer.
Sharon Villines
 
Publié dans « Sociocratie » sur le site http://www.ecoattitude.org/accueil/node/1176
 
A propos de Jo FREEMAN : « La tyrannie de l’absence de structure ».
 
Commentaires de Sharon VILLINES (http://www.sharonvillines.com/sociocracy-in-brief/) modératrice du Yahoo Group Sociocracy (adapt. française : Camille BdH/EcoAttitude)
 
Doc original en anglais = http://flag.blackened.net/revolt/hist_texts/structurelessness.html (écrit en 1970 !!!!) le texte complet en PDF (5 pages) = http://struggle.ws/pdfs/tyranny.pdf
et pour en savoir plus sur Jo Freeman,
voir WIKIPEDIA en anglais http://en.wikipedia.org/wiki/Jo_Freeman
et son site http://www.jofreeman.com/