La méthode sociocratique commence à être de plus en plus connue en France, en particulier dans les milieux associatifs, les mouvements citoyens qui recherchent comment combiner participation démocratique et efficacité dans l’action.

Toutefois, de nombreuses personnes ont une vision assez réductrice de cette méthode, centrée sur les outils d’animation performants qu’elle propose : la prise de décision par consentement et l’élection sans candidats.
Faire l’expérience de ces processus de travail en groupe peut en effet être une expérience très stimulante, quand ils sont conduits par un animateur ou une animatrice qualifiés.
Toutefois, cela ne peut être considéré que comme une étape de sensibilisation, et non comme le tout de « la sociocratie ».

En effet, cette méthode est basée sur une vision systémique de l’organisation : tant que les processus de prise de décision ne sont garantis que par une personne, aussi compétente soit-elle, le système n’est pas à l’abri d’un retour en arrière vers des habitudes bien ancrées dans notre culture. Un conflit, une situation financière difficile, et voilà les pratiques innovantes mises au placard. C’est pourquoi on ne peut pas réduire la méthode sociocratique à des techniques de management participatif.

Nous entendons aussi des retours de personnes qui ont rencontré des difficultés en essayant d’appliquer les « 4 règles ». Elles se sont trouvées démunies pour en comprendre les causes et ont perdu confiance. C’est normal, car la sociocratie représente un tel changement de paradigme qu’il faut prendre le temps d’expérimenter et de surmonter des épreuves, des résistances en soi et chez les autres. Une première recommandation est d’envisager de suivre une formation d’introduction ou d’approfondissement. Il me paraît aussi indispensable de se considérer en apprentissage continu, et donc d’être en lien avec des pairs dans le cadre d’un groupe de pratique, en participant à la vie du Centre Français de Sociocratie, ou encore en bénéficiant d’une supervision individuelle (accompagnement) par une personne plus expérimentée.

L’application des « 4 règles » est nécessaire pour qu’on puisse parler d’une organisation sociocratique. C’est une présentation simple pour expliquer quelle est l’originalité de ce mode de gouvernance par rapport à d’autres… Mais ce n’est pas en soi suffisant au bon fonctionnement d’une organisation. La méthode sociocratique ne se limite pas à ces 4 règles ! (et encore plus à une compréhension superficielle de ces règles).

Elle a repris à son compte dans une nouvelle perspective des principes et des pratiques qui étaient déjà reconnus comme des ingrédients importants pour la réussite d’une organisation.

Un exemple :

Pour réussir, une organisation a besoin d’un projet clair qui mobilise ses membres. Toutes les grandes entreprises communiquent auprès de leurs salariés sur leurs valeurs, sur leurs missions, sur leur stratégie.
Si vous faites partie d’un groupe, d’une association où il est difficile de travailler ensemble, avant de proposer d’animer des réunions selon le processus de décision par consentement, commencez par vous demander si vous partagez véritablement un projet commun.

Pour répondre à cette préoccupation, le terme de « raison d’être » est de plus en plus utilisé. Toutefois, cela n’a rien de nouveau, et la méthode sociocratique aide à clarifier un projet commun en articulant des intentions sur 3 niveaux, du général vers le concret :

  • Une vision : décrire la situation que nous voulons pour le monde qui nous entoure
  • Une mission : décrire la contribution que nous sommes en capacité d’apporter pour aller vers la réalisation de cette vision.
  • Des buts : décrire ce que nous voulons atteindre concrètement comme résultats dans un délai déterminé, en tenant compte des contraintes et des opportunités de notre environnement.

Pour cela, nul besoin de remplir des pages et des pages de charte de valeurs, avec des explications détaillées pour chaque mot important… Ce qui est important n’est pas de se mettre d’accord sur tout avant de commencer à agir, mais de se donner une finalité commune, suffisante pour travailler ensemble en nourrissant le besoin de sens de chaque membre… et aussi pour avoir un repère objectif quand il s’agit de se séparer d’un membre, ou bien de décider de quitter l’organisation, parce qu’une divergence sur le projet est apparue. Bien des difficultés hâtivement qualifiées de « problèmes d’égos » ou d’ « incompatibilités de personnalités », peuvent en fait être la conséquence de conflits implicites sur la vision, la mission, ou les buts.

Plus ces intentions sont claires et partagées, plus il y a d’énergie pour agir de façon constructive. Plus elles sont floues, plus l’énergie des membres va se disperser de façon peu efficace dans toutes les directions.

Ce travail n’est pas réservé aux dirigeants de l’organisation. En effet, la logique systémique de la sociocratie conduit à se poser les mêmes questions pour l’organisation dans son ensemble et pour ses différentes parties : équipes de travail, commissions, et même pour les personnes !

Thomas Marshall, Facilitateur et conseiller en sociocratie
Intervenant AuCoeurdelaTransition.fr

Thomas Marshall

Responsable du Cercle de gestion du dispositif d’agrément