par Anne-Gaël Erard – CFS

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Lorsque je suis sollicitée en entreprise, dans des associations, écoles, établissements, dans le domaine de santé … il y a bien souvent un « problème » à la clef qui fait déclencheur et met en mouvement le demandeur ou la structure… Il arrive aussi que la curiosité d’un membre de l’organisation pour telle méthode, démarche, modèle, approche, le conduise à me contacter.

La sollicitation peut être très précise avec une attente résolutoire forte qui me pousse à creuser les enjeux et besoins sous-jacents. Il arrive aussi qu’elle soit composée d’un « magma » où se mêlent des causes et des effets, des observations et des interprétations, des demandes et des exigences. Gouvernance dynamique Théorie Organisationnelle de Berne (TOB), Communication NonViolente (CNV), prévention des Risques Psychosociaux (RPS), Qualité de vie au travail (QVT), médiation, Intelligence Collective … Je constate surtout une confusion forte entre l’aspiration à une méthode de travail ou de fonctionnement rigoureuse et la solution espérée, à savoir, une forme idéale que devrait prendre la structure pour éviter pour toujours des évènements indésirables.

Dans ce maelström, le risque est de prendre le « mauvais » train c’est-à-dire celui dont la destination n’est pas celle de la structure ou de la personne, ou de ne pas partager collectivement l’intention, les objectifs et comment on y va… donc de ne pas être en phase sur le véhicule ni qui le conduit. Les acteurs les plus convaincus essaient de convaincre que leur réponse idéale résoudrait tout… de façon idéale : prévention des RPS, Sociocratie, médiation, QVT, TOB…

Ces situations pompent du temps, de l’énergie et d’autres types de ressources aux membres du groupe et à la structure. Elles génèrent épuisement démotivation et tensions.

Dans ma pratique, c’est l’analyse de la demande et des besoins sous-jacents est central pour :

  • reformuler une problématique c’est à dire description de la situation actuelle, dessin de la situation visée et tensions, enjeux, besoins sous-jacents de faire se rapprocher le réel du souhaité
  • de coconstruire des objectifs partagés et réalistes,

puis… et seulement à ce moment-là, de choisir le ou les véhicules adaptés.

La proposition de cet article synthétique est de distinguer les particularités de la Sociocratie et la Théorie Organisationnelle de Berne (TOB). Son objectif est de proposer quelques repères clefs pour permettre au lecteur d’identifier en quoi chaque approche est utile à sa structure, comment la mobiliser et à quel moment (un article plus complet et précis propose une analyse comparée des deux approches).

La TOB et la Sociocratie s’intéressent à des niveaux différents de la structure.

La gouvernance et l’organisation sont deux aspect distincts et complémentaires d’une entreprise.

L’organisation telle qu’elle est conçue par la Sociocratie et par la TOB vise à un fonctionnement agile le plus proche possible de celui d’un organisme vivant.

La Sociocratie ou gouvernance dynamique

C’est une méthode de gouvernance élaborée, expérimentée et améliorée dans les années 70 au sein de son entreprise de génie électrique par Gerard Endenburg, ingénieur lui-même entrepreneur s’inspirant de la cybernétique et de la théorie des systèmes pour développer une approche systémique de la gouvernance.

Son but était ainsi de rendre son entreprise capable de s’autoorganiser pour favoriser son agilité grâce à des réponses à la fois adéquates, rapides mais aussi écologiques en réponse aux évolutions et problématiques rencontrées. Cela permet notamment d’adapter la structure organisationnelle de façon simple malgré la complexité du contexte.

Pour ce faire, il s’appuie sur :

  • une définition claire et partagée des visions missions et buts de la structure qui seront les « mètre-étalon » des décisions à prendre ;
  • 4 règles de fonctionnement qui posent l’équivalence des individus entre eux, les modalités de légitimité des personnes dans tel ou tel espace, les process pour les décisions d’orientation et les attributions de mandat.

La TOB ou Théorie Organisationnelle de Berne

La Théorie Organisationnelle de Berne (T.O.B.) est un modèle sociologique et systémique constitué d’un ensemble d’outils qui permettent d’observer, de comprendre et d’agir avec efficacité sur le pilotage d’un groupe ou d’une organisation. 

1 | Points de rencontre entre ces deux approches

Elles partagent l’intention de la cohésion et de relations saines en interne dans la conscience d’une interdépendance à l’écosystème. Toutes deux sont à la fois systémiques, réflexives et itératives, l’une sur l’organisation productive, la TOB, l’autre sur le système de décision, la Sociocratie. La méthode sociocratique a été conçue dans le cadre d’une entreprise industrielle, elle intéresse particulièrement aujourd’hui les associations et coopératives de l’ESS. Quoi qu’il en soit, elle n’a pas de motif d’affecter la forme de l’organisation productive.

Chacune permet d’améliorer le fonctionnement d’un collectif sur la base d’éléments de diagnostic et s’appuie sur les principes de l’intelligence collective selon lesquels la diversité est favorable à l’agilité robuste. Pour ce faire, elle s’appuie sur la recherche de l’auto organisation basée sur l’équivalence et la prise en compte des besoins des personnes vers un but commun.

La TOB questionne les modalités de survie, de relations et de production sur la base de 6 diagrammes de Berne. Elle vise à permettre à l’organisation de perdurer en répondant de façon écologique et pertinente aux attentes de l’environnement et pour se faire identifier des champs à observer avec attention et à réactualiser.

La Sociocratie met le focus sur ‘Comment on décide de piloter notre bateau commun et comment cela se vit ? ». Le diagnostic de Pierre Tavernier s’appuie sur la prise en compte des besoins des personnes au sein d’une organisation.

2 | Des question centrales différentes

Pour la méthode sociocratique, la façon de décider est centrale :

  • à l’équivalence ;
  • au consentement pour l’orientation ;
  • selon une méthode choisie ensemble ou par l’animateur pour les décisions du quotidien.

Pour la TOB, la constitution, la question des règles explicites comme implicites sont au cœur du fonctionnement du groupe. La négociation et la mise en place de l’organisation avec le processus émergent devrait conduire à ce que les collaborateurs énoncent les règles.

3 | Des champs managériaux différents

Avec la TOB, le leader décide, contrôle, fait appliquer par modalités habituelles même si rien n’empêche de faire autrement si cela semble plus approprié. Il est même incité à faire se rencontrer l’énergie émergente des équipes avec son énergie planifiée pour produire des réponses et des décisions les plus pertinentes possibles. Pour ce faire La théorie des trois contrats, Les clés du dialogue hiérarchique de Madeleine Laugeri est un soutien très opérationnel.

Le rôle du chef sociocratique est de veiller à la mise en œuvre des décisions collectives sur son périmètre. Il sait que s’il y a des écarts ou difficultés cela sera mesuré par les personnes en charge de la mise en œuvre ou tout autre observateur et sera exprimé dans le cercle via le double lien par exemple. Les différentes façon de signaler une écart sont complémentaire et favorisent une forme de coopération et de cohésion.

4 | Conclusion

La TOB et la Sociocratie …quels liens ? L’intention d’une entreprise, durable dans un environnement donné…

Les deux approches cherchent à promouvoir l’efficience des systèmes humains et identifient que pour cela que des relations saines et suffisamment de confiance sont nécessaires.

Leur élément fédérateur est le projet, l’objectif ou le but commun ainsi que la nécessaire prise en compte des individus pour leur donner envie de coopérer et de s’y investir.

Établir une structure de gouvernance sociocratique est souvent une stratégie qui émerge d’une prise de conscience, parfois vécue somme une crispation au niveau du pouvoir, des jeux de pouvoir ou d’une vacance d’élan décisionnaire. Elle est de plus en plus souvent la fondations des projets qui l’inscrivent avant même leur sortie de terre dans leurs statuts et modes de fonctionnement comme essence de l’œuvrer ensemble. Une essence basée sur l’organisation systémique des ressources psychosociales des personnes et l’intelligence collective du groupe.

La TOB est le couteau Suisse du leader qui cherche à jouer son rôle d’une façon saine et écologique à une époque où les risques psychosociaux interrogent les questions de sens, d’engagement, de cadre … Elle lui offre un process réflexif généralement accompagné d’un consultant, coach ou formateur pour éclairer et lever ses méconnaissances et adapter son leadership.

Que ce soit par le mode de décision ou par la prise en compte de l’énergie émergente, ces approches s’appuient sur la puissance des systèmes et donc l’intelligence collective qui fourmille au sein de toute organisation quand elle est soutenue, reconnue et collectée.

Pour ce faire elles proposent à leur façon la recherche d’un équilibre toujours à trouver entre la prise en compte suffisante de l’individu au service du projet collectif et le projet collectif lui-même, c’est-à-dire juste ce qu’il faut d’empathie et de bienveillance pour avancer ensemble vers le but commun. Une des grades questions des projets collectifs actuels.

La Sociocratie et la TOB sont des vecteurs de motivation et d’attractivité dans les structures qui les mettent en place de façon honnête. Alors, elles permettent la réalisation des personnes au service du collectif. Leurs champs sont complémentaires et répondent une fois conjugués à l’ensemble des questions du management actuel.

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